Imperfection

Vivre avec ses rêves et le principe de réalité, embrasser ses paradoxes et réaliser la quadrature du cercle à sa façon...




Comment vivre simplement, sans retenir mes impulsions - celle de chanter quand j'en ai envie, de toucher un piano mal accordé mais dont je meurs d'envie qu'on m'entende jouer, celle d'aller m'assoir près de quelqu'un auprès de qui je me sens en sécurité, sans devoir justifier mon geste ?

Comment m'autoriser à aimer simplement, sans rien attendre, sans rien regretter, sans expectative, aimer sans peur, sans crainte, sans rejouer les vieilles scènes éculées de l'abandon et des larmes pleines de drame, comment vivre simplement ce que je vis sans vouloir tout, sans regretter mes pauvres limites d'être humaine, coincée dans un corps qui parfois m'encombre et qui ne pourra jamais embrasser toute la création ?

Comment accepter que le monde est imparfait, que rien ne sera exactement comme il faudrait qu'il soit pour que je sois moi-même parfaite ? Comment accepter que rien n'est figé, permanent, que dès que je m'accroche à quelque chose, je m'éloigne de sa beauté ? Que je ne peux être sûre de rien, sinon de l'incertitude elle-même ? Que rien n'est jamais acquis, que toute naissance n'est que celle qui précède la suivante, que toute marée haute est suivie d'une marée basse, que je ne suis jamais arrivée, que tout est en permanence à recommencer ?

Comment accepter que ces limites sont à la fois ce qui me limite et ce qui bénit mon existence ? 
Comment vivre avec ce paradoxe insensé qui me dit tranquillement que non, jamais je ne pourrai croiser le regard de tous, que je vais manquer tellement de gens, de lieux, d'êtres, d'expériences avec lesquels j'aurais pourtant résonné, qui m'auraient apporté de l'amour, de la compréhension, de la chaleur ?
... et qui me dit tout aussi tranquillement que ce sont ces mêmes limites qui m'autorisent à ressentir la chaleur d'un regard, la chaleur de mon corps sous un regard, à entendre les vagues de la mer et savoir intimement qu'elles pulsent aussi en moi, à sentir l'odeur de la nuit quand la lune monte et monte en moi, à accueillir l'amour et le paradoxe de l'autre en face de moi – c'est précisément l'espace entre nous et nos limites qui me permettent de sentir à quel point nous sommes semblables.

Isabelle

Photo : IG (Sant Feliu de Guixols)

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