Automne - Obscurité du dedans


J'ai dansé ce week-end. J'ai mis mes pas dans ceux qui étaient avant moi sur la ronde, ceux qui étaient derrière moi ont leurs pas dans les miens.
Cercle. Image ancienne, primitive. La saison avance. Brouillard, rides sur les étangs. 
Quelque chose dans l'air. Les saisons font la ronde aussi.


Nous avons basculé vers la nuit déjà, mais nous avançons vers cette période qui tend vers plus d'obscurité encore. Un palier supplémentaire vers l'intérieur, vers le dedans, le pas connu, le un peu plus sombre.

Nous avançons vers cette part inconnue de nous-mêmes, peut-être un peu effrayante, manifestée depuis les temps anciens par ces fêtes rituelles qu'on appelle Halloween, Samain, Toussaint – des fêtes des Morts.

Nous allons à la rencontre des parties de nous mortes, laissées en friches, en jachère, pleines de broussailles, ces parties de nous où la nature reprend ses droits, où nous ne nous connaissons pas, ne nous reconnaissons pas, ou feignons de ne pas nous connaître – parce que nous en avons peur.

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J'ai reçu en cadeau un livre magnifique, tellement magnifique que je ne le lis qu'à petites lampées : La Peur de la Nature, de François Terrasson.
Je viens de l'ouvrir parce que je sens que cet homme-là me parle aussi des saisons et de leurs rythmes. J'ai ouvert le livre au hasard, et les premiers mots qui apparaissent parlent de danse et de cette part de nous inaccessible à notre volonté, celle qui ressent des émotions – parce qu'on ne décide pas de ressentir des émotions. Les émotions sont cette part de nous qu'on ne peut pas maîtriser, parce que notre volonté ne peut rien faire pour nous faire ressentir ou ne pas ressentir. Nos émotions sont notre nature sauvage, et la danse peut ouvrir la porte à ce monde-là.

Alors dansons : tournons ensemble, sentons les saisons danser avec nous et accueillons, autant qu'il nous est possible, l'obscurité du dehors autant que celle du dedans. Dansons avec nos fantômes, nos ombres, laissons-les nourrir ce qui a besoin d'être nourri en nous. Nous ne pouvons faire l'économie du temps si nous voulons fertiliser notre jardin du dedans pour le printemps.


Isabelle

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Photo : IG

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