Chronique du jardin (3) - Ecoute. La rue te parle

J'ai un tout petit jardin. Un petit carré que j'appelle avec tendresse et un brin pompeusement mon "carré de potager-mandala", jardin-miroir, fenêtre sur mon monde intérieur, un petit jardin de simples à la va comme je te pousse qui alimente mon inspiration et approvisionne 
sans faillir mes tisanes-sorcières.
 

Je ne sais pas à quoi ça tient.
...cette impression diffuse d'être dans un espace-temps un peu différent. Peut-être l'heure tranquille de fin de journée, la luminosité douce, le silence.

Balade à vélo. La lumière était vraiment surréaliste dans les sous-bois.

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Dans mon petit jardin, les soucis (calendula) me manquent, c'est étrange qu'ils ne soient pas sortis encore. Les nigelles sont sur le point d'éclore, et le chrysanthème, lui, me répète qu'il aimerait bien de la compagnie : j'ai très envie de planter des asters – j'en avais dans mon premier jardin.


En continuant mon observation attentive, j'ai remarqué un phénomène particulier : la zone de non-droit de ce jardin, c'est l'angle "est", occupé par une rue monumentale, par beaucoup de liseron, par un pied de ciboulette mangé par le liseron, et par des vieux pots que je stockais là, pleins d'eau croupie.
J'ai dégagé cet espace, et j'ai pu voir que par dessous, des petits pieds d'ancolie que je n'avais même pas vus avaient poussé. J'ai appris récemment qu'on les appelle aussi mains de sorcière.

Dans mon jardin, j'ai besoin d'avoir des simples, ces plantes plus ou moins médicinales, aromatiques, pleines de symboles. Sur ma première terrasse, il y a déjà longtemps, j'avais une sauge en pot, dont celles que j'ai actuellement sont des rejetons bouturés. Impossible pour moi d'envisager mon jardin sans sauge, sans ancolies, et l'absence des asters se fait sentir tous les ans.

J'ai l'intuition que ces plantes-là me disent quelque chose, chuchotent de vieux secrets à mon oreille, mais que je ne les entends pas bien encore. Que me raconte la rue, plante "fétide" à la mauvaise réputation ? Que chuchote la sauge, que je fais sécher tous les ans quasiment, sans réellement savoir pourquoi ? De quelles vieilles mémoires sont elles porteuses, ces simples, de quelles inquiétudes ont-elles été les témoins, qui peuvent se réveiller au détour d'une soirée silencieuse et sans nuage ?

Le soir parfois, en moi, l'écho des vieilles angoisses des hommes se fait entendre. Et si le soleil ne se relevait pas ? La nuit tombe. Serrons-nous les uns les autres, réchauffons-nous au feu de notre humanité, laissons passer l'obscurité et la lune qui nous échappe.

Oui, il va revenir. Se relever. Nous réchauffer. Dormons paisiblement.

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Quoiqu'il en soit, j'ai dégagé l'est.

Le soleil peut se lever sur mon jardin en toute quiétude.





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